La chanson qui explose, c'est ça, Jacques Higelin, qui, assis au piano, a ouvert son tour de chant par un classique, Le Minimum (sur Alertez les bébés, 1976), longuement allongé en un funk lancinant absolument suave. Le soul, le funk, le r&b et le blues qui bouillent dans les veines, cure de jouvence pour la légende française, qui ne fait pas ses 69 ans. « Je n'a pas encore 70, je suis disponible pour toutes les aventures sexuelles! », a-t-il lancé.
Deux nouvelles chansons ont suivi, celles d'acclamé Coup de foudre paru cette année: la chanson-titre (qu'il racontait avoir été inspirée par le spectacle Cabaret Neige Noire, vu ici), puis J'ai jamais su, jolie chanson rock - cinq autres titres de ce nouvel album ont aussi trouvé leur place dans la performance.
Les fans de la première heure ont eu leur part de classiques, ces incontournables Mona Lisa Klaxon, Paris-New York, N.Y.-Paris et Cigarette de l'album BBH75, l'album de l'éclosion pour Higelin, qui passait alors de la chanson douce au rock et au blues qui l'ont suivi depuis.
Avec ses six musiciens, les chansons giclaient partout, les grooves coulaient dans nos oreilles, explosives Mona Lisa Klaxon accueillie par une foule enthousiaste, le boogie-rock incantatoire, à l'intensité croissante, de Paris-New York, que du bon qui s'écoutait le sourire accroché aux lèvres. On se répète: mémorable. L'âge n'a pas d'emprise sur papi Higelin.
«Des fous, il y en plein; Higelin, y en a qu'un!», scanda le musicien. C'est bien pour ça qu'on l'aime, même s'il s'est fait attendre. La soirée dérobée des Chiens
Mixed emotions, comme le chantaient les Stones. Les Chiens ont accouché, il y a dix ans, de l'influent La Nuit dérobée, savante et progressive incursion dans la nuit métropolitaine à coup de couches de guitares, de nappes de synthés, de paroles aériennes. C'était notre O.K. Computer à nous, la preuve que le rock indé avait aussi ses bonnes idées, doublée d'une sensibilité bien montréalaise. Fallait souligner sa parution, d'autant plus qu'on réédite enfin l'album.
Mais célébrer ça sur une scène extérieure, après le carnaval de la Compagnie Créole? Pas sûr. Par nécessité, Éric Goulet et ses compères ont choisi de jouer l'album à l'envers, débutant par les chansons plus calmes pour terminer plus énergiquement. « Bienvenue au chill out officiel de la Compagnie Créole », a dit, bon joueur, Goulet, par ailleurs sincèrement ravi de pouvoir chanter devant tant de gens la chanson titre de l'album, Une chanson d'amour à la nuit montréalaise.
Reste qu'après avoir fait rire les oiseaux, les chansons contemplatives des Chiens cassaient le rythme du festivalier, plusieurs n'ayant pas attendu que les guitares deviennent plus mordantes pour aller voir si, ailleurs, la machine faisait encore danser. Et c'est bien dommage, car si on peut louer la volonté de vouloir exposer la musique des Chiens à un plus vaste public, ça n'aide personne si ce dernier n'a pas le coeur à se faire charmer par la Vénus du Mile-End.
Bref, plus la performance des Chiens allait, mieux les chansons étaient rendues, une fois le son bien ajusté et la glace brisée. Ça donne envie de replonger dans l'album, tout en espérant que l'exercice du 10e anniversaire soit bientôt repris, dans un environnement bien contrôlé - on aurait bien entendu ça au Cabaret, tiens...
Philippe Renaud, collaboration spéciale
La Presse
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