vendredi 25 juin 2010

Setzer a «rocké» la ville

En 1994, Brian Setzer devait se produire avec son tout nouveau «big band» sur une scène extérieure du Festival de jazz de Montréal. Mais la police avait décidé qu'il n'en était pas question, et c'est au Spectrum qu'avait eu lieu le spectacle. Seize ans plus tard, la revanche était... swing, jazz et rockabilly: sur la vaste place des Festivals et les rues avoisinantes remplies de quelque 100 000 spectateurs, le Brian Setzer Orchestra a enfin joué à la belle étoile. Le spectacle était baptisé We will rock this town, et Setzer a effectivement rocké Montréal.

Les conditions étaient idéales pour ce grand événement d'ouverture du 31e Festival de jazz de Montréal: température parfaite, foule importante et disciplinée, musiciens qui allient virtuosité, fun noir et profonde musicalité. Ajoutez à cela l'acoustique quasi impeccable de la grande scène de la place des Festivals, les cinq écrans géants émaillés sur le site, la première webdiffusion en direct d'un show du festival (sur MontrealJazzFest.TV), et surtout un bon «pacing» (à peu près celui de l'an dernier en salle à la PDA, à l'exception de trois morceaux tirés du dernier disque de Setzer), bref, la foule était estomaquée par la maestria de Maître Brian et la puissance du Setzer Orchestra (18 musiciens, dont 13 cuivres). Ce n'était pas la liesse folle, mais plutôt l'ébahissement devant le brio de la chose, la découverte d'un être éminemment musical.

À la première instrumentale (This Cat's On A Hot Tin Roof), les gens écoutaient, attentifs. À Drive Like Lightning (Crash Like Thunder), les pieds se sont mis à bouger. Pendant Your True Love, la foule s'est mise à swinguer de la tête et du bassin. Les épaules ont suivi pendant The Dirty Boogie. Quand Sexy+17 a commencé (après quelques mesures de Caravan pour faire plaisir à André Ménard, directeur artistique du FIJM, dont c'est la chanson fétiche) et que des danseurs swing du festival québécois Red, Hot & Blue sont montés sur une mini-scène surélevée au milieu de la foule, la musique avait pris possession d'à peu près tout le monde (ça aurait été chouette, plusieurs petites scènes ou groupes de danseurs qui s'exécutent dans la foule)..

Un peu plus tard, quand Setzer a fait une version assez grandiose de Sleepwalk, et les gens étaient estomaqués, surtout que cela fut suivi de Summertime Blues en version trio rockabilly: c'est le blues (rythmé) de l'été.

La formule trio a d'ailleurs beaucoup plu (contrebasse, batterie et la guitare de Brian) et a d'ailleurs fait des merveilles, pendant quelques autres chansons. C'est fou, le plaisir que peuvent créer trois personnes et trois instruments joués avec panache: Gene & Eddie, c'était tellement fait pour plaire, ça «bebopait» un peu partout, ça tapait des mains, ça chantait. Quand le contrebassiste est monté SUR son instrument pendant que le batteur faisait des affaires pas catholiques avec ses peaux pendant Fishnet Stockings, ça a été le délire. Et tout le monde a reconnu le classique de Setzer du temps de son groupe The Stray Cats: Stray Cat Strut, mêlée de quelques mesures de Pink Panther. Et Rumble In Brighton est devenu Rumble In Montreal, au grand bonheur de la foule

Au moment d'écrire ces lignes, il restait encore quelques morceaux qui promettaient au programme: Jump, Jive an' Wail, Rock This Town, Brand New Cadillac (version extraordinaire, en passant)... Vendredi soir, Montréal a enfin eu droit au spectacle de Brian Setzer, 16 ans plus tard. Ce n'était pas trop tôt!

lundi 21 juin 2010

Zaz: nouvelle petite Môme ***1/2

Cette petite nouvelle venue a une vieille âme. Ça s'entend dans ses chansons simples et jolies, ça irradie de cette voix au timbre pincé et au fini émaillé.

Une voix que certains n'ont pas hésité à comparer à celles de Piaf et Fréhel, deux influences évidentes - elle qui reprend d'ailleurs Dans ma rue, de la Môme. Elle, c'est Isabelle Geoffroy, nouvelle star de la chanson française, qui se démarque de ses consoeurs parce qu'elle possède une vraie voix, un talent d'interprète indéniable, et parce que le style de chanson qu'elle défend n'a absolument pas la prétention de révolutionner le genre. Arrangements hyper-classiques, une touche de jazz manouche, un peu de musette, parfois des rythmiques qui rappellent le XXIe siècle, seule permission moderne pour le style qu'elle pratique. Ainsi, dès les premières chansons, on la découvre en ayant l'impression de l'avoir déjà entendue, d'être presque familier avec la jeune femme, proximité instantanée qui ne gâche en rien le plaisir de se faire bercer par les chansons de Zaz, les siennes comme celle des autres, dont Raphaël qui lui en a écrit trois.

Philippe Renaud, collaboration spéciale
La Presse

Emmanuelle Seigner: insolent et couillu ***1/2

Bien franchement, je n'ai aucune idée de ce que ça va donner en spectacle, Emmanuelle Seigner, demain. Combien de fois est-ce arrivé qu'un acteur ou une actrice qui chante et dont on avait bien aimé les disques soit décevant, une fois monté sur scène?

Trop souvent. Par contre, j'ai une nette idée de ce que vaut Dingue, son premier album en français: c'est vraiment chouette et rigolo et sensuel et insolent et «couillu», si on me permet l'emploi de ce terme pour une femme. Sur des mélodies et des arrangements très années 60, les surdoués Keren Ann et Doriand ont écrit pour la comédienne des chansons sur mesure, qui ne sont pas sans évoquer parfois Étienne Daho, Françoise Hardy, Jane Birkin, Serge Gainsbourg, Brigitte Bardot...

Bref, tous des chanteurs qui n'ont pas une voix à tout casser, mais qui ont indéniablement un style, une personnalité, un timbre et un univers bien à eux. Quant aux deux duos, l'un avec Iggy Pop et l'autre avec Roman Polanski, son mari, ils constituent de charmantes bizarreries, qui ne déparent pas l'ensemble.

Marie-Christine Blais
La Presse

dimanche 20 juin 2010

Les 20 ans du hip hop québécois au Métropolis: les papes du rap

Pendant que le rock faisait la fête sur la place des Festival pour clore ces 22e FrancoFolies, le rap s'offrait sa propre petite célébration au Métropolis, alors qu'on soulignait les 20 ans du genre au Québec par un spectacle réunissant sur une même scène deux douzaines d'artistes qui ont contribué à son évolution.

Il y avait une sacrée ambiance dans ce Métropolis bondé d'aficionados du rap, qui, bien souvent, chantaient à l'unisson les textes des classiques québécois. Autant d'enthousiasme pour un style musical souvent négligé par l'establishment musical était franchement réjouissant à voir, excusez du cliché.

Bref, la soirée, un hommage simple et sans cérémonies, s'est déroulée en deux temps, et ce fut là le principal défaut de l'hommage (ne râlons pas trop sur la pénible qualité du son, en début de soirée). Non seulement l'entracte a brisé l'incroyable élan trouvé pendant la première heure, mais on comprend mal à quoi bon faire une pause, puisque se relayaient les artistes sans s'épuiser. De plus, l'entracte a renforcé l'impression voulant que la première partie de la soirée s'est avérée la meilleure.

Car le spectacle a été construit en ordre chronologique, dévoilant dès les premières minutes une vraie surprise, Mononcle Rock, l'un des membres fondateurs du duo Mouvement Rap Francophone qui, en 1990, lançait MRF est arrivé (il l'a interprétée), considérée comme le premier disque d'authentique hip hop québécois (RBO, Lucien Francoeur et Daniel Lavoie l'avaient cependant devancé...). Puis, en lieu et place de KCLMNOP, le rappeur Shoddy a repris son célèbre Ta Yeul. Les applaudissements envoyés à Dubmatique étaient franchement sentis, eux qui ont rappelé à notre mémoire La Force de comprendre, premier succès populaire du rap québécois.

Ensuite, la foule a sauté sur de sérieux classiques de l'underground de la vieille école montréalaise: Rainmen avec Pas d'chilling, Sans Pression et Yvon Krevé pour L'Étage souterrain (de l'album classique de Sans Pression 514-50 dans mon réseau, 1999), puis Muzion et La Vie ti neg, accompagnée d'un choeur de 1500 fans de rap...

Les amateurs de la Capitale ne se sont pas sentis oubliés, alors que le clan 83 est venu balancer son classique du même nom; Krevé (Dans nos rues, de Quand j'rap pas, 2003) et SP (Derrière mon sourire) ont enchaîné, et franchement, au moment où Loco Locass soulevait la foule avec Libérez-nous des Libéraux en fin de première partie, on s'est dit qu'on aurait pris pas mal d'autres classique.

Plus légère et dansante, la seconde portion de la soirée a fait place à la «relève» (toute chose étant relative aux vétérans de la première partie), Accrophone (leur tube Coin de paradis), Taktika, L'Assemblée (et l'accrocheuse Turn Your Head Around, avec Dupuis), Anodajay (et Raoul Duguay!), le 13e étage, Ale Dee, on en passe. Les fans ont généralement embarqué, alors que certains ont cependant adressé quelques huées aux Sir Pathétik et Omnikrom...

Prenons-ça du bon côté: si les amateurs sont aussi exigeants, ça signifie que nos classiques sont franchement bons, non?

Philippe Remaud, Collaboration spéciale
La Presse

1 fois 5: on se souvient... ****

L'Histoire avec un grand H. Un soir inoubliable pour les quelque 300 000 spectateurs ayant pris d'assaut le mont Royal pour entendre cinq monuments de notre chanson.

«D'égal à égal, ils n'avaient pas d'autre choix que d'être vrais », écrit Lise Payette dans le livret de cette réédition du légendaire concert 1 fois 5 du 23 juin 1976. Le disque, on connaît: les succès de Léveillée, Charlebois, Vigneault, Deschamps et Ferland, chantés ensemble ou séparément. Pour ceux dont les sillons du vinyle sont devenus des canyons avec le passage répété de l'aiguille du tourne-disque, la réédition CD n'est pas de trop. Or, GSI Musique joint à l'album un DVD contenant l'intégrale de la captation télé du spectacle de Montréal (la version disque amalgamait les meilleures versions des concerts de Montréal et de Québec, deux jours plus tôt, c'est donc qu'il y a quelques inédits). De plus, les acteurs de cet événement livrent leurs souvenirs du spectacle dans un documentaire de 30 minutes. Un disque que tout amateur de chanson d'ici se doit de posséder.

Philippe Renaud, collaboration spéciale
La Presse

Salif Keita: la classe supérieure

Avec La Différence, cet album qui lui a valu une Victoire pour l'album par excellence des musiques du monde en France, le Malien Salif Keita est clairement revenu aux grandes traditions mandingues. Dans les années 80, on l'avait connu presque jazz rock. Feu Joe Zawinul avait même réalisé un de ses albums. Longtemps, il fut accompagné de musiciens de styles variés, Français et Africains de souches diverses.

Toutes ces années d'expériences afro-occidentales ont mené Salif Keita au bercail. Sur scène, son orchestre purement africain offre ce que l'Afrique de l'Ouest a de mieux à offrir. Pour cette tournée qui faisait escale vendredi soir au Métropolis, Salif ne se produit qu'avec des musiciens blacks de haut niveau, et s'applique à moderniser le patrimoine mandingue qui l'a forgé depuis sa naissance. À porter les polyrythmes et grandes mélodies de l'Afrique de l'Ouest à un niveau incroyablement élevé.

Le véhicule que pilote Salif Keita ne transporte à son bord que des virtuoses: trois percussionnistes dont deux solistes flamboyants, un joueur de n'goni (calebasse avec cordes) pour le moins spectaculaire, un bassiste excellent, deux guitaristes (électriques) chevronnés dont un artilleur de Gibson SG pas piqué des vers, sans compter deux choristes. Aucun clavier, aucune machine.

Voilà le type d'instrumentation des formations de sa jeunesse, à l'époque du Rail Band et des Ambassadeurs qui chauffaient les nuits de Bamako. À la différence que la machine d'aujourd'hui est de loin plus compétente. Quatre décennies de modernité africaine ont généré, bon gré mal gré, son lot de grands instrumentistes.

À l'instar de ses choristes, Salif apparaît sur scène de blanc vêtu. Altier, royal comme son ancêtre lointain - le mythique Soundjata Keita, fondateur de cet empire du Mali qui a dominé l'Afrique de l'Ouest aux 13e et 14e siècles. Devant nous, il se tient droit comme un piquet. Sa vue faible (une caractéristique des albinos), il faut le rappeler, a toujours limité ses mouvements de scène - qui varient du monastique au martial. Du début à la fin de ces presque deux heures de spectacle, on perçoit le recueillement chez le chanteur, cette force tranquille de l'officiant. Or cette fois, la célébration a lieu au centre d'un réacteur!

Raffinement. Classicisme. Patrimoine vivant. Énergie maximale.

Les chansons Seydou et Laban ont dressé la table, puis un superbe groove de rumba africaine se déploie sur Ékolo d'amour. Vient ensuite la fameuse Différence. «Je suis un Noir, et ma peau est blanche. C'est la différence qui est jolie», scande Salif comme s'il portait sur ses épaules le sort tous les albinos d'Afrique. Et cette voix fait s'écrouler les murs! Cette voix demeure la plus grande des voix masculines d'Afrique qu'il m'ait été donné d'entendre en trois décennies de métier.

Et quel soutien mes amis. La Différence devient alors le prétexte d'un groove polyrythmique hautement supérieur, assorti de mitrailles nourries des cordes et percussions.

Sur Yala, la voix du soliste et les ponctuations des choristes galvanisent les polyrythmes. Salif harangue alors ses sidemen qui lui en donnent davantage. Vraiment fort! Le chanteur s'adresse ensuite à la foule avec autorité. L'oblige à répondre à son appel. À hausser le volume.

Puis on a droit à un solo de n'goni, avec les passes dans le dos à la Hendrix... inutile en ce qui me concerne. Puis c'est au tour du guitariste lead de citer un solo classique de George Benson en doublant chaque note comme le fait le guitariste américain. Au-delà de ces manoeuvres ostentatoires, nous avons quand même affaire au top niveau. De mémoire de chroniqueur, seul l'ensemble de Toumani Diabaté offre une telle compétence sur scène.

Les guerriers se retirent, Salif reste seul avec ses choristes, guitare en bandoulière. Sur un seul accord, Sumu est une incantation qu'étoffent les deux chanteuses. Trois voix percent l'atmosphère. On aura ainsi vécu un tout petit moment de calme dans ce spectacle construit pour les festivals.

Le guitariste revient sur scène s'adresser à la foule: «Est-ce que vous en voulez encore?» La foule répond, le groove reprend lentement et sûrement, pendant qu'improvise la guitare. Salif est de retour, il balaie l'atmosphère d'un étrange plumeau dont on ne sait la portée symbolique. C'est Gaffou, assortie de fabuleux croisements entre rythmes binaires et ternaires.

Mademai, la suivante, est bilingue, plus pop et fait résonner les chorus perçants des choristes. L'ambiance atteint son paroxysme avec Yambo, déclenchée sur un rythme rapide, incadescent. Ça culmine dans le tapis avec Madan. Les choristes s'imposent brillamment avant que ne se décline une longue impro de n'goni, en phase parfaite avec les lignes de percussions.

Pour terminer en beauté, Salif Keita invitera ces dames à se trémousser sur scène. La totale, pour ainsi dire. La classe supérieure, il va sans dire.

Alain Brunet
La Presse

samedi 19 juin 2010

Les réseaux sociaux: le secret de la popularité de Justin Bieber

Pour les adoratrices de Justin Bieber, un message de 140 signes envoyé sur Twitter par le chanteur adolescent équivaut à un bouquet de fleurs de leur bien-aimé.

Par conséquent, lorsque le chanteur de 16 ans originaire de Stratford, en Ontario, interagit directement avec ses fans, ceux-ci ne sont pas près d'oublier l'expérience.

Pendant des générations, de jeunes artistes ont fait battre des coeurs tout aussi jeunes, de Bay City Rollers aux Jonas Brothers, en passant par Shaun Cassidy et les New Kids on the Block. Des experts soulignent cependant que ces vedettes n'ont jamais communiqué avec leurs fans aussi directement que ne le fait Bieber, et c'est ce qui aide à mousser sa popularité.

En retournant occasionnellement un peu de l'attention que lui donnent ses légions d'admiratrices, Bieber ne fait qu'intensifier l'adoration de ses disciples, 140 caractères à la fois.

Selon Brad Schwartz, de Much MTV Group, l'adoration entourant Justin Bieber semble être aussi intense que celle dont ont bénéficié d'autres artistes, dont certains des plus grands, avant lui.

Il souligne notamment la frénésie à laquelle il a fait face à son arrivée en Australie et en Nouvelle-Zélande, en avril. Sa prestation publique prévue à Sydney avait même dû être annulée par les policiers après que des milliers de fans se sont rués vers la scène et que huit filles ont été envoyées à l'hôpital.

«Je ne voudrais jamais en cent ans comparer Justin Bieber aux Beatles, mais si vous regardez certaines vidéos des Beatles descendant de l'avion à l'aéroport et que vous les comparez à la vidéo de Justin Bieber (en Nouvelle-Zélande)... Je ne veux pas comparer les deux, mais le phénomène Justin Bieber semble être aussi gros que n'importe quel autre avant lui», a analysé M. Schwartz.

Cette dévotion envers Bieber se reflète en ligne. Il est régulièrement le sujet de conversations sur Twitter, où on aurait fait référence au chanteur jusqu'à 125 000 fois par jour, selon les données de Trendrr.

L'une des raisons expliquant la popularité du chanteur sur le site de réseautage social est le fait que des millions de jeunes filles lui écrivent constamment dans l'espoir qu'il leur rendra la pareille.

Tard lundi soir, Bieber a répondu à une poignée d'admiratrices en quelques minutes, republiant des messages d'utilisatrices surnommées «biebercrazy83», «BieberOnAir» et «BoJaNa-LoVeS-JB».

Il est même abonné au compte Twitter de certains de ses fans, soit plus de 70 000 sur les quelque 3,1 millions qui le suivent sur le site.

«Ça devient une sorte de loterie, explique Simon Dumenco, chroniqueur média pour le magazine Advertising Age. De sorte que (si elles) sont des fans dévouées, si elles font assez de bruit sur Twitter et disent assez de choses sur Justin Bieber, il suivra leur compte et elles feront partie de la poignée de chanceuses.»

Les «tweets» de Bieber sont ce qui le distingue de ses prédécesseurs, qui créaient tout un émoi lorsqu'ils se montraient en public, mais qui n'ont jamais créé l'illusion que les sentiments de leurs fans étaient réciproques.»

Malgré tout le marketing, M. Dumenco croit tout de même que Bieber s'investit autant sur Twitter «parce qu'il aime donner de ses nouvelles en 140 caractères».

Vous avez une nouvelle à nous communiquer ou encore une idée pour un reportage?

La Presse Canadienne (Toronto)

Buck 65: déjà 20 ans de beauté ***1/2

Déjà 20 ans depuis le début de la carrière de Buck 65, cet autoproclamé romantique international et bibitte étrange.

Il célèbre avec ce DVD/CD qui comprend un film d'une heure et un mini album de quatre chansons. Le film décousu risque de plaire seulement aux mordus - ce que nous sommes. On y voit des extraits de concerts, des paysages mélancoliques, de courtes animations, un clip qui s'étire un peu trop et de fascinants monologues. Buck 65 y parle d'une «épiphanie violente» et explique sa généalogie artistique. Pour lui, le hip-hop vient autant des rues de New York que du staccato de Burroughs ou Subterranean Homesick Blues de Dylan. Quant au mini-album, il est très bon. Buck 65 commande l'attention avec sa voix lourde et écorchée, qui ajoute un peu de sens à chaque mot. Gee Whiz (avec Nick Thoburn de Islands) est irrésistible. Il reprend aussi bellement Who By Fire de Cohen (avec Jenn Grant), et parle de Michael Jackson à sa façon dans Superstars Don't Love. On attend impatiemment l'album complet, cet automne.

Paul Journet
La Presse

Tricot Machine et Damien Robitaille: sourire et rire en musique

Gros vendredi soir d'été aux Francos: deux salles bondées et, entre les deux, une mer de monde qui tentait tant bien que mal de se faufiler jusqu'à la fête de la Compagnie Créole.

Commençons par la fin, tout en sourires, qui nous attendait à l'Astral avec Tricot Machine.

Commencer par la fin, c'est justement ce que Catherine Leduc et Matthieu Beaumont ont fait en lançant leur spectacle par À l'autre bout / 2e rang, la toute dernière pièce de leur nouvel album qui s'est aussitôt arrimée à la chanson titre de ce très beau disque, La prochaine étape. Sous les mobiles de bernaches et d'un coeur accrochés au plafond, Matthieu s'est installé au piano, Catherine a soufflé dans son mélodica et ce public qui les attendait depuis un moment déjà est aussitôt tombé sous le charme de leurs voix naturelles et de leur musique tantôt réjouissante, tantôt mélancolique, mais jamais banale.

Malgré des textes qui ne le sont pas toujours, le sentiment de bonheur et de légèreté qui se dégage des chansons de Tricot Machine est décuplé en spectacle. À cause évidemment de la rayonnante chanteuse qui sautille et tape des mains avec un plaisir contagieux sur un rythme à la We Will Rock You pendant Un bout ensemble. À cause aussi de la fraîcheur, de la spontanéité et du côté bon enfant, naïf peut-être mais pas gnan-gnan, qui les anime.

Vendredi, ils étaient entourés de huit amis choristes, quatre gars et quatre filles habillés en louveteaux et en jeannettes comme le couple vedette. Un thème qu'ils ont exploité à fond dans leurs interventions entre les chansons qui prenaient souvent la forme de dialogues décousus entre Matthieu et Catherine. «Tout va tellement plus drette quand c'est un peu tout croche», comme ils l'ont chanté dans Radar en nous disant au revoir.

En 80 minutes, Tricot Machine nous a livré son nouvel album en entier, moins les courts intermèdes musicaux, et un peu plus de la moitié du premier, dont L'ours, «une vraie chanson scout» et les pas très hop la vie Ambulance, à la finale très intense, et Super ordinaire que Matthieu a chantées pendant que Catherine s'éclipsait en coulisses.

Sans être surexploités, les choeurs ont contribué bellement à des chansons comme Les oreillons et La meilleure équipe. Et le couple a été particulièrement bien servi par quatre musiciens aussi discrets qu'efficaces : le «végétéran» Mario Légaré à la basse, le guitariste (et réalisateur) David Brunet, le batteur Simon Blouin et le claviériste et tromboniste Benoît Rocheleau.Damien Robitaille

Brunet et Blouin étaient au Club Soda quelques heures plus tôt pour épauler leur ami Ben à qui on avait demandé de réchauffer la salle pour Damien Robitaille. Une mission qu'a relevée avec brio le multi-instrumentiste à l'accent de Trois-Rivières, qui pourrait être le cousin québécois du Franco-Ontarien. Au piano électrique ou au trombone, Rocheleau a une présence scénique indéniable. Sa voix rappelle un peu Dédé Fortin et ses textes sont très keb («On serait-tu ben tout nus, sans rack à boules, sans strap à gosses»).

La mise en bouche idéale pour le On est né nu qu'allait nous servir la vedette de la soirée dès son arrivée - spectaculaire - sur scène. Avec son chic costume rouge vif, son chapeau de paille, ses verres fumés et sa moustache, l'inénarrable Damien Robitaille s'est fait tour à tour Billy Bijou, son alter ego crooner de club cheapo, preacher, émule de Michael Jackson (pour le moonwalk), et de Prince (pour la voix de fausset et le funk) et soul man extraordinaire qui raconte des histoires surréalistes et des blagues débiles dont son public délirant est complice. Pendant Mot de passe («Quel est le mot de passe pour passer la nuit avec toi?»), un soutien-gorge a atterri sur scène. «Trop facile», a dit le tombeur né avant de lancer le soutien-gorge à un assistant : «Guillaume, tu le mettras avec les autres.»

Damien Robitaille donne un spectacle irrésistible, qui fait rire plus que sourire. Un show très musical même si, par moments, on aimerait que cette musique soit un peu plus pétante comme elle l'est dans Maître de mon être et Casse-tête. Robitaille, qui vient de gagner le prix Félix-Leclerc, est sur une lancée. S'il repasse en ville, ce qu'il fera sûrement, ne boudez pas votre plaisir. Vous m'en remercierez jusqu'à la fin de vos jours et peut-être même après. Alleluia!

Alain de Repentigny
La Presse

Higelin au théâtre Maisonneuve: l'incompressible

La phrase est de lui, et elle nous a bien fait marrer. Comme pendant tout le spectacle, d'ailleurs, cet homme fait des interventions toujours aussi délirantes. En fait, Jacques Higelin n'a été grave qu'à la fin du concert, lorsqu'il nous confiait son inquiétude: son public québécois allait-il toujours être au rendez-vous, après onze ans d'absence? Et comment! Mémorable comme à sa précédente visite au siècle dernier, Higelin a offert un concert exubérant de près de 2h30.

La chanson qui explose, c'est ça, Jacques Higelin, qui, assis au piano, a ouvert son tour de chant par un classique, Le Minimum (sur Alertez les bébés, 1976), longuement allongé en un funk lancinant absolument suave. Le soul, le funk, le r&b et le blues qui bouillent dans les veines, cure de jouvence pour la légende française, qui ne fait pas ses 69 ans. « Je n'a pas encore 70, je suis disponible pour toutes les aventures sexuelles! », a-t-il lancé.

Deux nouvelles chansons ont suivi, celles d'acclamé Coup de foudre paru cette année: la chanson-titre (qu'il racontait avoir été inspirée par le spectacle Cabaret Neige Noire, vu ici), puis J'ai jamais su, jolie chanson rock - cinq autres titres de ce nouvel album ont aussi trouvé leur place dans la performance.

Les fans de la première heure ont eu leur part de classiques, ces incontournables Mona Lisa Klaxon, Paris-New York, N.Y.-Paris et Cigarette de l'album BBH75, l'album de l'éclosion pour Higelin, qui passait alors de la chanson douce au rock et au blues qui l'ont suivi depuis.

Avec ses six musiciens, les chansons giclaient partout, les grooves coulaient dans nos oreilles, explosives Mona Lisa Klaxon accueillie par une foule enthousiaste, le boogie-rock incantatoire, à l'intensité croissante, de Paris-New York, que du bon qui s'écoutait le sourire accroché aux lèvres. On se répète: mémorable. L'âge n'a pas d'emprise sur papi Higelin.

«Des fous, il y en plein; Higelin, y en a qu'un!», scanda le musicien. C'est bien pour ça qu'on l'aime, même s'il s'est fait attendre. La soirée dérobée des Chiens

Mixed emotions, comme le chantaient les Stones. Les Chiens ont accouché, il y a dix ans, de l'influent La Nuit dérobée, savante et progressive incursion dans la nuit métropolitaine à coup de couches de guitares, de nappes de synthés, de paroles aériennes. C'était notre O.K. Computer à nous, la preuve que le rock indé avait aussi ses bonnes idées, doublée d'une sensibilité bien montréalaise. Fallait souligner sa parution, d'autant plus qu'on réédite enfin l'album.

Mais célébrer ça sur une scène extérieure, après le carnaval de la Compagnie Créole? Pas sûr. Par nécessité, Éric Goulet et ses compères ont choisi de jouer l'album à l'envers, débutant par les chansons plus calmes pour terminer plus énergiquement. « Bienvenue au chill out officiel de la Compagnie Créole », a dit, bon joueur, Goulet, par ailleurs sincèrement ravi de pouvoir chanter devant tant de gens la chanson titre de l'album, Une chanson d'amour à la nuit montréalaise.

Reste qu'après avoir fait rire les oiseaux, les chansons contemplatives des Chiens cassaient le rythme du festivalier, plusieurs n'ayant pas attendu que les guitares deviennent plus mordantes pour aller voir si, ailleurs, la machine faisait encore danser. Et c'est bien dommage, car si on peut louer la volonté de vouloir exposer la musique des Chiens à un plus vaste public, ça n'aide personne si ce dernier n'a pas le coeur à se faire charmer par la Vénus du Mile-End.

Bref, plus la performance des Chiens allait, mieux les chansons étaient rendues, une fois le son bien ajusté et la glace brisée. Ça donne envie de replonger dans l'album, tout en espérant que l'exercice du 10e anniversaire soit bientôt repris, dans un environnement bien contrôlé - on aurait bien entendu ça au Cabaret, tiens...

Philippe Renaud, collaboration spéciale
La Presse

samedi 12 juin 2010

Emmanuelle Seigner: la bête lumineuse

Comme plusieurs autres comédiennes avant elle - Agnès Jaoui, Jane Birkin, Sandrine Kiberlain, Arielle Dombasle -, l'actrice Emmanuelle Seigner a décidé de chanter. Mais à sa manière bien à elle, charnelle et marrante, qui fait tout le charme de son premier album en français, Dingue. Elle sera en spectacle demain, aux FrancoFolies, dans le cadre de la série Chansons intimes. Très intimes.

C'est un bel animal racé et franchement lumineux qui prend place devant moi pour l'entrevue. C'est Emmanuelle Seigner, épouse de Roman Polanski, mais surtout actrice depuis vint-cinq ans et chanteuse depuis quatre ans: tout en français, son nouvel album Dingue fait suite à ses précédents, tout en anglais, soit Kiss Me Goodbye et Ultra Orange&Emmanuelle.

Qu'on ne s'étonne donc pas si quelques morceaux in English se glissent dans son spectacle aux Francos. Mais qu'on se rassure aussi: c'est en français qu'Emmanuelle Seigner voulait absolument chanter. Et quand ce sont des chansons en français signées Keren Ann (qui a collaboré au magnifique Chambre avec vue d'Henri Salvador) et Doriand, le plaisir est multiplié.

«Et c'est une belle histoire, cette collaboration, relate Emmanuelle Seigner. Après la tournée des précédents disques, je voulais déjà collaborer avec Keren Ann, mais on m'avait expliqué qu'elle ne travaillait plus pour d'autres et se concentrait sur ses projets solos, je n'ai pas insisté. On se met donc à chercher des chansons en français pour le prochain album: je trouve tout plutôt moche, sauf une maquette vraiment, vraiment bien. C'était une chanson qui s'intitulait Dingue et, je ne le savais pas, mais c'était Keren Ann qui l'avait écrite et qui la chantait! C'est ainsi que j'ai appris qu'elle et son partenaire Doriand avaient vraiment envie de travailler avec moi. J'ai pris cela comme un signe. Je me souviens très bien les avoir rencontrés le 18 décembre 2008 et, en mai suivant, l'album était fini, fait uniquement de leurs chansons.»

Le plus étonnant, c'est que ces chansons collent tout à fait à Emmanuelle Seigner alors qu'elle n'a pourtant à peu près donné aucune indication quant aux thèmes à aborder. «C'est plutôt sur le style que j'avais envie de les diriger: je voulais vraiment un album qui sonne comme ceux de Nancy Sinatra (la fille de Frank Sinatra, dont les succès furent These Boots Are Made For Walking, Bang Bang, etc.). J'aime cette femme un peu cow-boy, un peu masculine, avec un côté insolent, anti-macho, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds - alors que nous sommes dans les années 60! - et qui se moque de tout, y compris de sa propre beauté. Alors, j'ai demandé à Keren Ann et Doriand d'imaginer ce que ça donnerait, Nancy Sinatra aujourd'hui et si elle était française.»

Il en résulte un très chouette album où les clins d'oeil sont nombreux, qui mêle légèreté et gravité, insolence et blessure: «J'ai une personnalité insolente, fait remarquer simplement Emmanuelle Seigner. J'aime bien me moquer des gens, me moquer de moi, j'aime le second degré - je trouve que les jolies femmes sont toujours trop premier degré... Et disons qu'avec l'histoire de mon mari, j'ai besoin de beaucoup d'humour.»

L'insolente au regard malicieux fait bien sûr référence à Roman Polanski, assigné à demeure en Suisse en attente de son procès pour le viol d'une adolescente, survenu il y a 30 ans. Emmanuelle Seigner n'en dira pas plus en entrevue, le sujet est manifestement lourd, et elle a plutôt envie de parler de musique et de son spectacle qui sera «beaucoup plus rock que l'album, on est quatre sur scène et ça bouge!»

«Je ne suis pas une chanteuse à voix, reprend-elle, j'en suis tout à fait consciente. J'ai commencé à chanter pour le film Backstage (2005), où je jouais une actrice paumée. Quand la bande sonore du film est sortie, j'ai dit à un directeur de la compagnie de disques: «Bon, ma voix n'est pas très bonne, vous allez voir, je vais m'améliorer, etc.». Mais il m'a répondu: «Oui, mais vous avez un timbre, et c'est ce qui compte, quand on chante: avoir une identité vocale.» Ça m'a donné confiance. Et ça ne m'a pas empêchée de chercher à m'améliorer», précise-t-elle en riant.

Ce qu'elle ne chantera pas sur scène, toutefois, ce sont les deux duos qui figurent sur Dingue: le premier, suave, avec Iggy Pop («Keren, Doriand et moi, on adorait sa version des Feuilles mortes, on lui a demandé s'il voulait chanter avec moi La dernière pluie et il a dit oui!») et le second, narquois, avec Roman Polanski (Qui êtes-vous?): «Je voulais lui rendre ce qu'il m'avait donné: il m'a donné mon premier grand rôle (dans Frantic en 1988 et dans Lunes de fiel en 1992), je voulais lui donner sa première chanson...»

Emmanuelle Seigner, demain soir, à la Cinquième Salle de la Place des Arts.

Marie-Christine Blais
La Presse


Plume Latraverse : rock'n'Plume

Moé, j'aime pas ça, travailler: c'était la première chanson qu'a chantée Plume hier, au Métropolis, au cours de la première de ses deux représentations aux FrancoFolies (il y sera de nouveau ce soir). C'était tant mieux, puisque ce qui compte, c'est que Plume aime chanter et faire du rock et c'est exactement ça qu'il a offert à la foule hier.

Une foule d'abord assez sage et assise, mais qui n'a pas lésiné sur les applaudissements, les cris, les chants en choeur, et qui s'est de plus en plus excitée au fil de cette soirée au cours de laquelle le grand Latraverse a chanté plein, plein de ses chansons les plus rock et les plus «n'roll». Certaines étaient cousues les unes aux autres (Plume avait prévenu qu'il allait faire de longues courtepointes musicales à l'aide de plusieurs de ses chansons et les «coutures» étaient vraiment réussies), les autres étaient interprétées au complet. Dans tous les cas, c'était musical à l'os, rock au cube, Plume à planche.

Impossible de dire tout ce qu'il a chanté, mais ça allait de Fucké-fucké au Roi de la marchette, de Chien fou à Pleine lune, de Ma porte de shed à Bobépine, de Rideau à Moutonoir, d'Assis aux Mauvais compagnons, de Beau et chaud à La ballade des caisses de 24, de Lit vert à Jonquière et j'en passe au moins 20 autres... Que dire, sinon que c'était écoeurant? Que les applaudissements ont duré longtemps à la fin? Et que Latraverse a chanté Les mauvais compagnons?

Parlant des Mauvais compagnons, c'est-à-dire les musiciens qui accompagnent Michel Latraverse, ils étaient tous absolument impeccables et soudés hier, comme autant de doigts autour de ce longiligne pouce qu'est Plume: à la batterie, Pistache Guillemette, à la basse, Grégoire Morency, aux claviers, Richard Lord, et à la guitare, le seul et unique JC Marsan, qui nous a donné certains de ses solos les plus allumés hier soir.

Pas de bavardage, pas de niaisage, beaucoup de décibels (des bouchons ne sont pas inutiles...), c'était bel et bien le show rock promis par Plume.

«Si partout il y a un ras-le-bol, a chanté le grand Latraverse, s'il y a du sarin dans le métro, pis que les armes se vendent au prix de gros, c'est la faute à El Niño.» Hier soir, s'il y a eu beaucoup de «fun», beaucoup d'ovations et beaucoup de musique, c'était la faute à El Plumo...

* * *

En première partie de Latraverse, le quatuor chicoutimien Bruno Rodéo et ses routiers a surpris le public: non, ces gars-là ne faisaient pas dans la parodie de western, ils faisaient bel et bien du western, québécois qui plus est, dans les règles, comme d'autres font du flamenco ou de la musique manouche! Avis aux intéressés: leur album Envoye par-là s'écoute vraiment bien sur la route et le regretté Bobby Hachey aurait été fier d'eux, hier soir!

Marie-Christine Blais
La Presse

vendredi 11 juin 2010

Élage Diouf: Élage = métissage ***

Séparé (momentanément?) de son frère Karim, Élage Diouf livre un disque de world pop tout à fait respectable, créé dans un esprit de métissage.

Même si sa fibre sénégalaise s'entend du début à la fin (mélodies typiquement ouest-africaines, textes en wolof), le chanteur/percussioniste emprunte musicalement à droite et à gauche pour créer un paysage multiple, pigmenté de cornemuses écossaises, de guitares country-blues et de percussions brésliennes, sans oublier les quelques «invités-vedettes», dont Jenny Salgado de Muzion, Mike Sawatzky des Colocs et surtout Jean Leloup, qui offre un des moments forts du disque en déblatérant sur la potentiellement radiodiffusable Dama La Nob. La sauce prend et le groove est bon. On sent l'honnêteté dans la démarche, même si on tombe parfois dans le « tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil ». L'intention commerciale est évidente. Le son est propre, la production est lisse - même un peu trop à notre goût. Mais on ne peut blâmer Diouf de vouloir sortir de la niche folklorique.

***

Jean-Christophe Laurence La Presse

Susan Boyle chantera pour le pape

Les autorités catholiques d'Écosse ont annoncé que la chanteuse Susan Boyle chantera sans doute pour le pape Benoît XVI au cours de sa tournée en Grande-Bretagne, plus tard cette année.

Un porte-parole a annoncé jeudi que les négociations étaient toujours en cours, mais que Boyle devrait chanter au cours d'une messe en plein air au parc Bellahouston de Glasgow, le 16 septembre.

Ce voyage de quatre jours sera la première visite papale en Grande-Bretagne depuis le passage du pape Jean-Paul II en 1982.

Son séjour inclut également un discours au Parlement et la béatification du cardinal John Henry Newman.

Susan Boyle, âgée de 49 ans, a connu le succès instantané l'an dernier après que son passage à un concours de talent télévisé eut été vu des millions de fois sur internet. Son premier album a connu du succès un peu partout à travers le monde.

Associated Press
Londres


samedi 5 juin 2010

Plume: le rock'n'roll du grand flan fou

Les mauvais compagnons, c'est le titre d'une chanson de Plume Latraverse en 1982 et d'un album lancé en 1984. Mais Les mauvais compagnons, c'est surtout le nom donné aux musiciens qui l'ont accompagné à compter de 1980, ici et en Europe, et qui reprennent la route avec le grand Plume cet été. Y compris aux FrancoFolies de Montréal. Oubliez les compagnons de la chanson, place aux mauvais compagnons du rock...

Octobre 2008. Dehors, il pleut et vente. À l'intérieur, dans une salle de réunion anonyme, Plume n'a pas le moral, ni la santé. En 18 ans d'entrevues, c'est la première fois que je le vois si fragile, si triste, et son album Plumonymes se meut d'ailleurs dans les mêmes eaux troubles et troublées...

Mai 2010. Dehors, il fait gros soleil. À l'intérieur, dans ma cuisine, Plume rit. Il s'amuse, se fait aller les grands bras, les longues pattes, la tête chevelue, raconte des anecdotes, fait admirer son «beau coat d'orchestre» qu'il s'est patenté lui-même avec une canne de peinture.

Ça va mieux, hein, Plume? «Ça va mieux parce que je fais du rock'n'roll, tab... répond le grand slack barbu. J'ai ressorti ma guitare électrique, ma vieille Fender. Et JC Marsan (son guitariste) m'a installé des pédales pour ma guitare, c'est la première fois que j'ai ça sur scène, cibole, pis j'adore la pédale de distorsion! Ce show-là, c'est comme un anniversaire. Il y a 40 ans, j'ai chanté avec le groupe de la Sainte-Trinité, et il y a 30 ans, j'ai commencé à chanter avec le groupe Les Mauvais Compagnons. Y'é temps qu'on fête ça avant que je prenne ma pension!»

D'où ce spectacle, baptisé sur son site Le bon vieux Plume et ses mauvais compagnons, qui s'arrête deux soirs aux Francos de Montréal, mais tourne également un peu partout ces temps-ci, pour une tournée All Dressed!

Michel Latraverse a bel et bien eu 64 ans, il y a près d'un mois. Mais Plume, son alter ego, demeure ce qu'il appelle lui-même un «clown ado». Et un peu à la manière du phénix, Plume renaît de ses cendres environ tous les sept ans: il passe par une phase intense de shows exubérants, fait une tournée, lance un disque, attrape un moment donné la «festivalite» aiguë, envoie tout r'voler, lance un autre disque, entre dans une phase plus intimiste, écrit des chansons plus blues, se terre, se tait, disparaît... Et bang, c'est reparti pour un nouveau cycle. Quitte à s'abîmer la santé un peu plus: «C'est pas Nagano, mon nom, c'est Magano», lance un Plume hilare, avant de s'exclamer, en voyant le petit décor qu'on lui a monté à coups de caisses de 24 pour la photo, que sa blonde va encore trouver qu'on l'associe trop à la bière. Maudite boisson maudite...

Les mauvais compagnons

Magano va donc diriger de nouveau Les mauvais compagnons... «C'est un groupe qui est né un peu par accident, relate Plume. Après mes débuts avec la Sainte-Trinité (dans les années 70), je me produisais avec un band qui s'appelait En cachette des femmes (avec qui a d'ailleurs été enregistré le disque All Dressed en 1978). En 1980, on doit partir faire une tournée en Europe. Mais à trois semaines d'avis, le band s'écroule... Ça arrive. Seulement là, on a 35, 40 shows à donner en Europe, qu'est-ce qu'on fait? Alors j'ai monté assez vite un autre groupe, avec notamment Cholet (le bassiste Denis Cholet, alias «Cholet Masson»), Marsan (le guitariste Jean-Claude Marsan, rebaptisé parfois Djayci Marsan), Ysengourd Knohr (c'est-à-dire le batteur Georges Casavant, ami de collège de Plume et membre notamment de la mythique formation jazz l'Infonie)...

Cholet a 24 ans, Marsan 23. Ils ne le savent pas encore, mais pendant les 30 prochaines années de leur vie, ils vont régulièrement jouer avec le grand Plume. Marsan est d'ailleurs de l'actuelle tournée.

Mais retournons en 1980 et en Europe: «Imagine, relate Plume, on commençait en Hollande, on terminait à l'Olympia de Paris, si je me rappelle bien. Mais le plus important, c'est que, contrairement à bien d'autres groupes québécois qui tournaient en même temps que nous autres en Europe, on ne se chicanait pas. On avait ben du fun ensemble, c'est tout du monde qui a de l'humour... Même si ça n'était pas toujours facile en tournée. En fait, tout ce qu'on accumulait de frustrations, on le gardait pour la scène, pis là, on se vengeait sur le monde (rires)! C'est vraiment là, pendant ces tournées en Europe - on pouvait y aller quatre, cinq fois par année, à l'époque - que j'ai commencé à faire mes monologues, que j'appelais Scènes de la vie conjugale, et qui pouvaient durer jusqu'à 40 minutes! Le fait d'être sur la route m'a donné le goût de jouer de plus en plus avec le langage... J'aime ça, la route. Ben, jusqu'à ce que je m'écoeure, disons.»

Coulé dans le plâtre, coulé dans le rock

Ça prend en fait de bons compagnons, et solides, pour l'accoter, «il Plumo». Non, pas à cause de l'alcool ou de la vie de barreau de chaise. Mais bien à cause de l'intensité particulière du grand Latraverse. En 1973, la vie de Plume a basculé à la suite d'un très grave accident, où il a tout perdu, notamment l'usage de sa colonne vertébrale. Plâtré de bord en bord, littéralement cassé de partout, il s'est mis à écrire et écrire et écrire des chansons.

Une fois libéré de son carcan, disons qu'il avait besoin de bouger. Il s'est mis à enregistrer disque sur disque, à multiplier les spectacles... «Ça m'a sauvé la vie, les chansons, dit pudiquement Michel Latraverse. C'est à partir de ce moment-là que je me suis mis à enregistrer un album, et dès qu'il avait fait ses frais, bang, j'en enregistrais un autre, pis un autre... Disons que j'avais beaucoup de stock en réserve. Et on expérimentait, on essayait des affaires: enregistrer dans une salle de bains, dans le fond d'un garde-robe... C'était des disques à petit budget, mais à grande inventivité. Ça n'a jamais vendu à 100 000 exemplaires, mais ça vend juste assez pour que je puisse continuer sans tomber dans la facilité. C'est comme être cordonnier: si t'aimes réparer les souliers, tu ne vas pas t'associer avec des fabricants de running shoes. C'est ce que je continue à faire: des disques, des spectacles, à ma manière de cordonnier», conclut Plume.

Plume Latraverse et ses mauvais compagnons, au Métropolis les 10 et 11 juin, puis en tournée au Québec.

Marie-Christine Blais
La Presse